Aller au contenu
Accueil » Roman de paix l’arbre turquoise

Roman de paix l’arbre turquoise

Dans ce roman, j’ai voulu traiter de la paix, de la liberté et du pardon ; deux chemins ardus qui ont en commun de permettre à l’humain de se tenir debout entre ciel et terre, avec dignité. Je l’ai écrit en hommage à ceux qui, pour pouvoir être eux-mêmes et simplement avancer, doivent parfois s’expatrier.

Roman de paix l'arbre turquoise

5 sens éditions

Résumé

Issus d’un mouvement anabaptiste, Ivan, Rachel et leur fils Mikhaïl, paysans épris de vérité, engagés dans le mouvement pacifiste toltoïen, fuient la guerre civile en Russie pour trouver une terre de paix. De rencontres en péripéties, ils vont au-delà de la liberté à laquelle ils aspirent : ils découvrent la voie turquoise de la réconciliation, l’arbre de vie planté jadis par les grand-mères.

Roman de paix : les points forts

Solidarité dans l’exil. Intégrité face à la discrimination et persévérance dans les choix de l’enfance. Être son propre maître pour rendre vivant ce qui nous a été transmis. Importance du partage, du travail des mains et la résistance à la violence. Le pardon est nécessaire pour ne pas vivre dans la rancœur ; il est une voie qui conduit à la réconciliation. L’amour, comme loi première de la vie, est une force de dignité. La spiritualité est synonyme d’humilité.

L’argumentaire

Cette histoire est celle du retournement vers soi, qui permet compréhension et acceptation. Dans les épreuves et les échecs, seul le choix libre permet la maturité et la satisfaction. La lutte pour la dignité demande patience, simplicité et authenticité.

J’ai eu l’occasion de côtoyer des Anabaptistes et je suis engagé sur la voie de la non-violence.
Tolstoï est présent tout le long du roman, par des citations et des réflexions d’Ivan et de Rachel.

Roman de paix : Citations

Balalaïka

Roman de paix, Tolstoï

La steppe retenait les voyageurs dans les herbes hautes, denses, rases ou absentes ; elle ne leur permettait pas de se réfugier dans les arbres épars et buissons abondants. Le vent transportait les nuages et glaçait les pieds. Quand il retombait enfin et que des éclaircies réchauffaient la couenne, l’école de la nature ouvrait ses portes aux rires des enfants. Le guide les instruisait, pour leur survie, lors des courtes haltes au contact de l’immensité. Ils apprenaient en jouant. De toutes les traces d’animaux ailés ou terrestres, celles du loup retenaient leur attention. Les empreintes des canidés les suivaient depuis trop longtemps. Assez pour inquiéter le convoyeur soucieux de ne pas leur offrir un de
ses petits protégés. Face à la longue ligne droite de trous profonds et espacés de quatre-vingts centimètres, il se rassura. Les carnassiers étaient en déplacement vers le nord, suite à une de leurs nombreuses divisions. L’homme saisit l’occasion pour transmettre à ses élèves sa préoccupation. Il y avait en effet des postes armés, non loin d’ici, qu’un
coup de feu alerterait.
« À l’instar des loups, la sécurité tient à notre faculté de rester groupés, commença-t-il. Mais nous ne pouvons pas, comme eux, chasser sans bruit. »
La leçon se poursuivit en chuchotant. Les louveteaux ne connaissaient pas les risques et, selon leur nature, certains étaient enclins à aller plus loin pour trouver un partenaire, rejoindre une meute ou en constituer une autre. Toutefois, ils avaient meilleur temps de demeurer avec les adultes pour acquérir de plus amples connaissances et expériences.
« Comme vous » appuya l’enseignant. Si la caravane venait à se disperser, les gosses s’accrocheraient à leur famille et mettraient leur énergie pour reformer le convoi. Ou bien ils suivraient un des groupes jusqu’à la reformation de la grande troupe.
Tout à coup, le regard des gamins s’assombrit. Dans leur tête, des monstres géants surgissaient en poussant des cris d’horreur ; l’inquiétant signal de la séparation. Les battements de leur cœur s’accélèrent et leur ventre se contracta. Celui de Mikhaïl plus que tout. Du haut de ses cinq ans, bien qu’il eût grandi dans l’affection de ses parents, il ne
se souvenait pas avoir vécu un seul jour sans détachement. Il se releva soudain et tira la manche de son instructeur. L’homme l’avait devancé. Au loin, l’écho renvoyait le claquement d’un fusil.
L'arbre turquoise Amérindiens

Le louveteau

« L’amour, c’est-à-dire l’aspiration vers l’harmonie des âmes humaines et l’action qui résulte de cette aspiration ; l’amour est la loi
supérieure, unique de la vie humaine. L’amour, loi fondamentale de la vie. Une fois la violence admise, quelles que soient les circonstances,
la loi de l’amour est reconnue comme insuffisante, d’où la négation même de cette loi. »
Lev Nikolaïévitch Tolstoï

Des baraques en bois, uniformes et neuves, délimitaient une large allée boueuse entre arbres et remises délabrées. Derrière les premières masures aux volets fermés, des colonnes de fumée s’élevaient des tentes en peaux habillées de vie. Rachel, sa fillette dans le dos, contint le sourd malaise commencé dès la sortie du véhicule ; après qu’ils eurent passé la frontière avec une improbable facilité. La gendarmerie royale devait surveiller davantage les forêts que la route. Comme convenu, les deux randonneuses les avaient laissés au premier bourg, sans avenue pour y pénétrer, ni pancartes, cultures, troupeaux, fermes ou industries signalant une activité humaine ; excepté le toit d’une église au loin. Elles en avaient visé la flèche pour aussitôt déverser leurs passagers au centre du mystère. À
califourchon sur les épaules de son père, Mikhaïl ressentit la tension de sa mère. Il se fit sa vigie et élargit son regard au-delà du chemin principal, jonché de ferrailles, poutres et caisses prévues pour la construction ou la finition des maisons. Une école désertée, un dispensaire fermé et un magasin général légèrement animé. Sur les galeries des bâtisses achevées, des hommes et des adolescents, la peau cuivrée, la chevelure longue et noir de jais, les surveillaient. Le gamin trembla et communiqua sa peur à Ivan. Celui-ci, sur le qui-vive, chercha à comprendre l’apparente défiance des habitants. Aucune agressivité ; juste de l’indifférence. Comme s’ils s’efforçaient à les dissuader de s’attarder.
« Elles nous ont laissés sur une réserve, en déduit Ivan.
– C’est quoi ? s’informa Mikhaïl.
– Des terres réservées pour les Amérindiens pour qu’ils deviennent des fermiers. Leur territoire de chasse ignore les frontières. Aussi, sont-ils réduits à se sédentariser. Sais-tu que tu as des racines autochtones ? passa-t-il du coq-à-l’âne. C’est de là que te vient ton physique asiatique.
– Comment ça ?
– Des indigènes de l’Oural ; avant la colonisation russe. Je n’ai jamais compris comment mon grand-père, un tyran religieux, avait fait pour se choisir une femme en dehors de sa collectivité. Regarde, coupa Ivan, en indiquant un groupe de garçons. C’est toi en plus foncé.
– Arrête ! rougit le gamin.
– Tu n’as pas en avoir honte. »
Visage rond, paupières bridées, les gosses portaient des vêtements hétéroclites, culotte en peau, chemise en toile, mocassins et casquette. Avaient-ils ôté leurs pantalons et souliers pour filer dans les rues en oubliant de changer le haut ? Était-ce là l’expression de leur difficile adaptation à la société colonisatrice et industrialisée, qui réduisait ses indigènes au rang de minorité ; ou bien le rejet de ses contraintes ? Ivan, son fiston toujours en poste d’observation, se rendit dans la boutique jouxtant le bureau des affaires indiennes. Là, il acheta à l’épicier blanc des boîtes de saumons, allumettes, lait concentré, farine pour les
galettes, café pour lui et thé pour son épouse ; puis il s’empressa de laisser les villageois tranquilles.